« The times they are a-changin’ » – Bob Dylan

C’est une chanson de Bob Dylan, et ce qu’elle a de différent d’une autre chanson de Bob Dylan n’est pas très évident. Elle s’inscrit dans une unité, et elle évoque le changement. Les chansons qui évoquent le changement ne sont jamais très différentes des autres dans le répertoire d’un artiste, qu’une évolution arrive pour Sam Cooke, que la révolution ne soit pas télévisée pour Gil Scott-Heron.

Bob l’écrit en septembre 1963, l’enregistre en octobre. Un pote à lui tombe sur ses brouillons, c’est encore l’été et la chanson n’est pas encore achevée. Il lit les textes. « Allons sénateurs, allons députés, écoutez notre appel ». Il cesse de lire et s’exclame : « qu’est-ce que c’est que cette merde ? », et Dylan lui répond que c’est ce que les gens veulent entendre. Il ne le sait pas, mais il en doutera très vite, ou les changements le feront douter, ou le temps fait déchanter.

The times they are a-changin’ est une compilation de versets, très courts, à l’attention de ceux qui n’auraient pas entendu que les temps changeaient : les braves gens, les artistes, les politiciens, les parents.

Comme le présent de maintenant sera plus tard le passé, l’ordre établi change rapidement. Et le premier maintenant sera bientôt le dernier. Car les temps sont en train de changer. As the present now will later be past, the order is rapidly fadin’ and the first one now will later be last. For the times they are a-changin’.

C’était dans l’air ce changement. Mais le changement mérite plus qu’une sensation. Et pour beaucoup plus qu’une chanson. De Marx à Weber en passant par Durkheim. Pour l’individu lambda qui attend du nouveau.

Le lendemain de l’assassinat de Kennedy, Dylan est sur scène et il doit commencer par cette chanson. Il hésite longtemps : « ce n’est sûrement pas ce que les gens veulent entendre ! » pense-t-il, et il a tort. « Pour moi ça n’avait aucun sens », confie-t-il à son biographe.

J’ai redécouvert cette chanson, il y a peut-être un an. Elle enrobait le générique d’ouverture de Watchmen de Zack Snyder, générique qui lui-même renfermait toutes les clefs de l’uchronie à venir sur l’écran. Elle illustrait les changements sensibles entre cette fiction et la notre, le passage où l’artiste prophétise et ne voit pas qu’il est Cassandre, ou l’inverse. Là où les super héros sombraient dans la noirceur, ici nous nous confortions aux immobiles changements : les naissances floues et sans cesse répétées de la protest song.

3 réflexions sur “« The times they are a-changin’ » – Bob Dylan

  1. … puis ensuite vint la chanson incarnant elle-même le changement : « like a rolling stone » sur highway 61 revisited , ou l’introduction de l’électricité au pays du dogme folk.

    • … d’où son titre glorieux de plus grande chanson de tous les temps par le magazine Rolling Stone (sans aucun parti pris), tant elle était novatrice. Et pas seulement par l’électricité, mais par sa longueur, son texte, l’anti-conformisme commercial de son standard : son anti radio-edit.

  2. Je peux poser une question naïve : à quoi correspond le « a » dans « a-changing » ? Quel est le sens de cette formulation pour un Américain ? Après moult recherches sur le Net… pas moyen de trouver la réponse. Help, les anglophones !

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